Je vais vous évoquer un film qui est pour moi un Kinder Surprise du cinéma. Vous avez d’abord le chocolat. La coque. C’est la partie évidente, celle qu’on attend. Elle est lisse, douce, et incroyablement réconfortante. C’est le film lui-même : une histoire de conte de fées avec une Juliette Binoche lumineuse, un Johnny Depp en pirate de rivière, et une morale gentille sur la tolérance. C’est bon, ça fait du bien, on sait pourquoi on est là. Mais il y a aussi le cadeau Kinder. Dans la capsule jaune à l’intérieur, la surprise. Le petit jouet inattendu qui donne toute sa saveur à l’expérience. Et la surprise du film Le Chocolat, c’est le lieu bien réel qu’il nous fait découvrir : le village de Flavigny-sur-Ozerain.
C’est un film doudou, une fable qu’on regarde emmitouflé dans un plaid. C’est l’histoire de Vianne Rocher et de sa fille Anouk. Poussées par le vent du nord, elles atterrissent dans un petit village français qui semble figé dans les années 50, Lansquenet-sous-Tannes. Le timing est terrible. C’est le début du Carême, cette période de quarante jours dédiée à la prière et à la privation. C’est le moment que Vianne choisit pour ouvrir une chocolaterie. Un temple de la gourmandise. Pour le Comte de Reynaud, qui règne sur la morale du village, c’est un acte de guerre. La bataille s’engage. D’un côté, la rigidité et l’abstinence. De l’autre, la sensualité du cacao et la libération des désirs. On devine l’issue certaine, mais le plaisir de la dégustation est intact.
Puis on prend la capsule qui s’ouvre. On entend le « clic » de l’ouverture. On découvre la surprise. Si le village de « Lansquenet-sous-Tannes » n’existe pas, le décor, lui, est bien réel. C’est le village de Flavigny-sur-Ozerain, en Bourgogne. Et là, le film prend une autre dimension. On comprend que le réalisateur n’a pas choisi ce lieu par hasard. Flavigny EST un village de conte de fées. Un labyrinthe de ruelles médiévales, de maisons en pierre blonde, une atmosphère de temps suspendu. C’est un « jouet » parfait, déjà magnifique avant même que le cinéma ne le déballe. Les décorateurs ont posé une fine couche de fiction sur une réalité déjà magnifique. L’église du film a été créée de toutes pièces sur la place du village. Repeindre quelques volets. Transformer une bâtisse abandonnée en chocolaterie. Le village était le cadeau caché du film, un lieu réel avec une âme bien plus ancienne que le scénario. Les habitants ont vu leur quotidien bouleversé par les caméras, les stars, et l’agitation d’un tournage hollywoodien, devenant les témoins privilégiés de la fabrication de leur propre mythe.
En découvrant Flavigny, on met au jour le trésor que le film ne mentionne même pas. Le vrai délice du village n’est pas le chocolat. C’est un minuscule bonbon blanc. Un grain d’anis, caché au cœur d’une bille de sucre. Les Anis de Flavigny. Une confiserie fabriquée dans l’abbaye du village depuis le XVIe siècle. L’ironie est succulente. Un film sur le plaisir exubérant du cacao a provoqué une renommée mondiale pour un bonbon discret, presque monacal. La fiction a servi de révélateur à une réalité patrimoniale et gourmande encore plus ancienne. C’est la surprise ultime du Kinder.
Au fil du temps, la surprise a presque pris le pas sur le chocolat. L’ effet Le Chocolat a mis un coup de projecteur si puissant sur Flavigny que le village est devenu une destination en soi. Les gens viennent du monde entier pour retrouver l’ambiance du film. Ils cherchent la chocolaterie, qui n’existe plus. Mais ils y trouvent surtout l’authenticité d’un des plus beaux villages de France. Ils y trouvent l’Abbaye, la fabrique des Anis, et l’histoire de ses petits bonbons. Le jouet est devenu plus marquant que l’emballage. C’est la preuve qu’un film peut être plus qu’une histoire. Il peut être un révélateur. Un détonateur.
Voilà pourquoi l’expérience Le Chocolat est si riche. C’est un double plaisir. Celui, immédiat, d’un film charmant qui fait du bien. Et celui, plus durable, de la découverte d’un lieu réel, avec son histoire, son artisanat et sa saveur unique. C’est une invitation à ne pas se contenter de la coque en chocolat, mais à toujours chercher la surprise qu’il y a à l’intérieur. Elle est souvent tellement intéressante.

Film : Le Chocolat
Sortie : 2001
Réalisateur : Lasse Hallström
Acteurs Principaux : Juliette Binoche, Johnny Depp, Alfred Molina
Genre : Comédie dramatique, Romance