Il y a des noms qui portent déjà en eux une promesse. L’Étrange Festival en fait partie. Trois mots qui dessinent une ligne de démarcation : d’un côté, le cinéma que l’on croit connaître et de l’autre, un territoire encore inexploré. Ici, pas de récits rassurants ni de chemins déjà tracés. Le festival propose une immersion totale : une expérience qui surprend, qui déstabilise, qui invite à se perdre pour mieux se retrouver. On n’est pas obligé de tout comprendre tout de suite. C’est justement ce qui rend l’aventure excitante.
Cette année, l’événement fête sa 31e édition. Rendez-vous en septembre 2025, du 2 au 13. L’occasion rêvée de découvrir des œuvres singulières, de sortir des sentiers battus. Car L’Étrange Festival n’est pas seulement une vitrine : c’est un éclaireur. Un sismographe capable de capter les secousses les plus prometteuses du cinéma mondial. Et puis, se demander ce qui est « étrange » aujourd’hui, n’est-ce pas déjà une raison suffisante pour y aller ? La réponse, on la trouvera sans doute dans sa programmation.
Trente ans d’audace, et toujours fringant
Un festival qui entame sa quatrième décennie, ça en impose. Trente-et-une éditions, c’est le signe qu’il y a là quelque chose d’essentiel. L’Étrange Festival a traversé le temps en défendant une vision du cinéma audacieuse, sans concessions. Il a révélé des cinéastes, accompagné des courants, formé le regard de générations entières de spectateurs. Il a surtout créé une communauté : une famille de curieux.
Et la bonne nouvelle, c’est que cette institution n’a rien de poussiéreux. Au contraire, son public se rajeunit sans cesse. Comme une preuve que le goût pour l’inattendu, la curiosité, la soif d’un autre cinéma, continuent de se transmettre. L’Étrange Festival reste un gardien : celui d’une liberté de ton, d’une folie créatrice indispensable. Il accueille les films qui n’entrent dans aucune case. Et par ricochet, les spectateurs qui aiment sortir du cadre. Voilà ce qui fait son charme unique.
Un cinéma qui sort du cadre (et de Paris)
Cette année, un détail change tout. Le festival franchit ses propres frontières. Pour son ouverture, il délocalise une partie de sa programmation sur le campus de Paris-Saclay, du 2 au 6 septembre. Là où règne d’ordinaire le savoir scientifique, le cinéma étrange vient s’inviter. Le contraste est prometteur : la fiction face à la rigueur, l’imaginaire au milieu des labos. Imaginez : des projections dans un cinéma mobile, le CinéMo, installé en plein campus. Le décor change, et l’expérience aussi.
Ce geste n’est pas anodin. C’est une manière de dire que la culture doit circuler, se déplacer, aller à la rencontre de nouveaux publics. Une main tendue à celles et ceux qui ne vivent pas au cœur de Paris. Preuve que L’Étrange Festival refuse l’immobilisme : il cherche à créer des ponts, entre disciplines, entre lieux, entre gens.
Les univers à explorer en 2025
Un festival se mesure souvent à ses invités et à ses hommages. Ceux de 2025 composent une carte des mondes à explorer, chacun plus singulier que l’autre. Même si ces noms vous sont inconnus, laissez-vous guider.
- Barbara Steele, l’icône gothique. Son visage inoubliable hante le cinéma fantastique italien des années 60. Noir et blanc, châteaux inquiétants, atmosphères oppressantes… Redécouvrir Steele, c’est retourner aux racines d’un certain cinéma de genre, à la fois sombre et envoûtant.
- Stephen Sayadian, l’agitateur underground. Changement radical : son cinéma est provocateur, libre, visuellement explosif. Ses films sont des expériences rares, des électrochocs visuels. Une plongée dans la contre-culture pure.
- Adilkhan Yerzhanov, le conteur kazakh. Ses films sont des fables modernes, absurdes, teintées d’un humour sec et discret. Un univers poétique qui nous ouvre une fenêtre passionnante sur un autre horizon cinématographique.
- Le Grand Guignol, l’horreur à l’état brut. Retour aux sources du frisson, dans ce théâtre parisien où l’on venait pour trembler devant des spectacles cruels et sanglants. Le festival interroge ici un héritage : comment cette épouvante scénique a-t-elle irrigué le cinéma ?
Et ce n’est pas tout : une collaboration avec l’INA offrira des pépites d’archives. Des raretés oubliées, des objets télévisuels singuliers. Une séance d’archéologie médiatique en somme.
La soirée d’ouverture : l’esprit du festival en condensé
S’il fallait une porte d’entrée idéale, ce serait la soirée d’ouverture. Un véritable condensé de l’esprit du festival, avec une sélection de films qui donnent le ton.
Parmi eux, The Old Woman With The Knife : un titre sec, brutal, qui annonce tension et danger. À côté, une session de courts-métrages baptisée avec ironie « It’s a match ! ou pas… ». L’allusion aux applis de rencontre est claire, mais le « ou pas » laisse deviner que la soirée risque de mal tourner.
On croise aussi des titres comme Odyssey ou Exit Medea, qui convoquent les grands mythes pour mieux les revisiter, les détourner. Voilà tout l’esprit du festival : mélanger les genres, jouer avec les codes, surprendre encore et toujours.
Finalement, L’Étrange Festival, c’est pour qui ?
Ce n’est pas un rendez-vous réservé à une poignée d’initiés. Bien au contraire. L’Étrange Festival s’adresse à tous les curieux, à celles et ceux qui aiment être surpris, déroutés, émus par des images qu’ils n’attendaient pas. Des films qui ne donnent pas toutes les clés, qui laissent des questions, qui impriment des émotions contradictoires.
En clair, c’est une expérience à vivre si vous cherchez :
– La découverte. Voir des films invisibles ailleurs.
– La surprise. Ne jamais savoir ce qui vous attend en entrant dans la salle.
– La liberté. Découvrir des cinéastes qui n’obéissent à aucune règle.
Il ne s’agit pas d’aimer tout ce que l’on voit. Il s’agit de se laisser embarquer, d’accepter le voyage. Si cette proposition vous parle, alors L’Étrange Festival est pour vous. Un espace rare, un lieu de résistance contre l’uniformisation du cinéma. Et rien que pour ça, il mérite toute notre attention.
- Cet article fait référence au festival L'Etrange Festival.
